LE MONDE SELON TELAP

L'architecte n'est pas un artiste. C'est un traducteur. Nous sommes là pour traduire en espaces et en couleurs la vie rêvée de nos "clients" ou "patients".
Où est l'intérêt de créer un bâtiment comme une oeuvre, sinon pour satisfaire son ego.

Évidemment certains projets d'architecture sont d'un type différent, quand ils ont une portée symbolique. Je veux parler du nouveau World Trade Center par exemple, mais aussi de beaucoup de projets phares d'un pays ou d'une ville, qui "donnent image". En fait les monuments.

Mais la majorité des projets d'architecture concerne des bâtiments "fonctionnels". Des logements, des écoles, des usines, des capitaineries, des toilettes publiques. Ces projets là doivent être conçus par et pour l'homme. Il apparaît comme évident que le facteur esthétique est primordial, mais il doit absolument s'équilibrer avec l'"âme" du bâtiment. Comme une personne. Son apparence et son caractère sont indissociables, et tous deux constitutifs de l'identité de la personne. Le jeu est de trouver l'équilibre.
Quand on conçoit un bâtiment on conçoit une personnalité, et la complexité retrouve celle de l'homme. La question du rapport intérieur/extérieur résume presque tout. Quel rapport entre la "gueule" du projet et la vie qu'il va créer? Quand on marche dans une ville, on ne voit que les peaux, mais la ville est aussi derrière les peaux, c'est tout ce volume formidable, séparé du reste du monde par cette fine membrane qu'est la façade. Les gens vivent DANS les bâtiments et HORS des bâtiments.

Le rapport entre un humain, qui a son corps et son âme, son enveloppe et son esprit, et une maison, qui a sa façade et ses pièces, ses couleurs et ses espaces, m'intéresse beaucoup. Il donne toute sa valeur à la recherche purement esthétique (tentation ultime de l'architecte) mais en universalisant l'évidence de son indissociabilité d'avec la fonction du projet. On rapproche ainsi tous les intérêts. Le projet doit être commun entre le client et l'architecte. Si ensemble on cherche une cohérence entre la peau du bâtiment et ses espaces, et si le fond comme la forme viennent du rêve même du client, alors peut être on pourra faire du bon boulot.
Une architecture humaniste, en fait.

L'oeuvre d'art est l'expression d'un homme. Mais l'architecture ne peut être comme ça, elle est imposée à tous. Le besoin n'est pas l'expression de ses angoisses, mais de construire un toît pour des gens qui n'en ont pas! L'architecture construit notre environnement à tous. Cette responsabilité rend égoïste l'approche artistique d'un projet.

L'architecte ne doit pas imposer sa vision, mais produire le travail merveilleux de recherche et de traduction du rêve de quelqu'un en réalité.
Ce métier là, je l'aime.