LE MONDE SELON TELAP

Arc-bouté sur mon rouleau télescopique, à plus de deux mètres de ma cible, les lunettes recouvertes du mouchetage blanc typique des peintures qui ne gouttent pas, je sue. Toute la force tragique d'un homme qui a honte de ne faire ça que maintenant, qui s'en veut de n'en être que là. Mal au dos, du blanc partout.

Heureusement, l'homme qui repeint son plafond, dans l'ultime phase de rénovation de son appartement, a repéré un vendeur de galettes-saucisses en bas de la rue.
Tous les dimanche il grille sur la rue des centaines de saucisses bio 130gr sans colorant et les enroule dans des galettes friches faites main par une grand-mère de 82 ans, oui monsieur.

Alors, lentement, pour récompense, l'homme qui repeint son plafond déguste sa galette saucisse, consacrant toutes ses réflexions à l'éternel question qui nous taraude dans ces moments là : j'en reprend une deuxième ou pas?

Puis l'homme qui repeint son plafond remonte chez lui, il reprend son rouleau télescopique, il le trempe dans le seau de peinture blanche qui ne goutte pas, et il s'arc-boutte.

La question qui le tarabuste alors est : et les murs, je les fait comment?

Enfin, le matériel nettoyé, la nuit tombée, et la faim au ventre retrouvée, l'homme qui a repeint son plafond quitte son chantier pour rejoindre, dans les hauteurs ouatées de son appartement sous les toits, un ange qui le berce, lui souffle de beaux nuages blancs dans le coeur.