LE MONDE SELON TELAP

Week end post-apocalyptique.
Déménagement (y'en a toujours plus que ce qu'on croît), un peu de boulot, et, grand moment, un concert de rock alternatif. Je serais incapable de donner le nom du groupe, c'était au jardin moderne vendredi soir. Deux types, pourtant objectivement clean, font du n'importe quoi sur une scène, et on comprend rien. Un péruvien habillé en orange aux cheveux longs et très souriant joue de la guitare mais ça fait des bruits de batterie. Un grand type barbu en t-shirt bleu qui saute partout tape sur un clavier et ça fait des bruits de guitare. Le décor est fait d'objets inattendus qui font des bruits (canard en plastique, guitare-jouet aux touches de couleurs, boite à musique...). Les morceaux ne dépassent pas une minute, sont faits de cris, de refrains "fuck fuck fuck fuck rock'n roll", de petits riffs de batterie et de guitare. C'est du n'importe quoi du début jusqu'à la fin. Et pourtant c'est super! Surtout drôle, mais pas seulement. Écouter ça à trente personnes autour d'une petite scène sur une grande pelouse, sous des grands arbres, au beau milieu d'une zone industrielle, on se croirait dans un film de Kusturica.
Mais aussi visite (illégale, houhouhou) d'une friche industrielle qui va bientôt être convertie en bureaux et habitations. Ancienne usine chimique, une trentaine de bâtiments, un beau jour il y a 50 ans ça a explosé, et ils ont tout laissé comme ça. La végétation a repris ses droits (comme quoi on laisse n'importe quoi 50 ans, et c'est l'amazonie). C'est extraordinaire de poésie post-apocalyptique. Les structures métalliques contorsionnées qui se mêlent aux branches blanches d'un jeune bouleau. Des murs en béton super-épais qui ont cédé sous la pression des arbres et des ronces. Il n'y a personne, ces 6 hectares de bonheur sont à nous. Le sentiment profond de re-visiter l'humanité après une catastrophe nucléaire. Tout est calme et détruit. C'est ce contraste entre la paix du silence et de la forêt et la douleur criante de ces structures éventrées, de ces murs tordus et défoncés. C'est simple et beau. On fait des repérages pour quelques vidéos éventuelles, des photos pour quelques textures ou montages ultérieurs. Bon il a fallu inventer des escaliers en bouts de bois pour passer un mur, c'est une zone militaire, on s'est enfoncé dans les ronces. La prochaine fois, escabeau et coupe-coupe.

Alors bon dans maintenant 94 jours on est heureux (dixit notre nouveau prime minister), profitons en pour visiter.