LE MONDE SELON TELAP

Il y a quelques jours, dans la petite ville où j'habite, il a neigé. Ce n'est pas courant du tout ici, le climat est océanique, c'est le moins qu'on puisse dire.

Dès le matin, le velux géant au dessus du lit était presque opaque de neige fine. La lumière dans la chambre ressemblait à une boule à facettes qui se serait arretée, les rayons du soleil frais passant entre les petits paquets blancs. Je me rendors, et une heure après découvre un velux encore plus enneigé, et ça semble devoir s'aggraver. En scrutant les quelques coins restés libres de la surface vitrée, je m'aperçoit que la neige tombe, et que la ville doit être toute blanche, pourvue qu'elle tienne. Je descend le petit escalier, et en faisant du café regarde par la petite fenêtre de la cuisine, qui, verticale, elle, est restée transparente. Un enchevètrement de toits enneigés, quelques cheminées rouges qui fument, le vieux Rennes a les cheveux blancs.
Une ballade au marché s'impose, avec ce temps incongru. Les étalages de citrons et de poireaux sont recouverts de neige, qui continue à tomber, encore et encore. Les gens glissent, les voitures ne passent pas la seconde, les poissoniers n'ont pas eu besoin de disposer de glace sous leurs filets de merlu.
On achète des moules et de la mimolette, un poulet et un petit fromage de brebis, on croise des copains, une soeur.

Comme le monde paraît simple, on est comme des enfants, on essaye de manger la neige qui tombe, on entend plus les voitures, la ville est paralysée, il fait froid.

Le bonheur simple mais rare de voir son quotidien avec un regard neuf.