LE MONDE SELON TELAP

Toute l'année, malgré l'affection compliquée qu'on porte à son travail, toute l'année, du jour de la rentrée fin aout à celui de la quille fin juillet, on rêve des vacances. Alors ces derniers jours de travail, qui sentent encore un peu les jeux qu'on apportait à l'école pour le dernier après-midi, un Puissance  4 ou un 1000 Bornes, sont savoureux.
Des journées habituelles, terriblement quotidiennes, faites de petits coups d'énergie et de petits coups de blues, à ceci pret que de temps en temps, au détour d'un clic droit, on regarde dehors, on voit le soleil, on s'aperçoit que dans trois jours c'est les vacances.

Le rouge de la moquette flotex super-lavable : le bleu-vert-gris de l'océan.
Le gris plastifié de mon bureau : les lattes en teck de la table d'apéro sur la terrasse.
La chaleur moite d'une souris noire trop cliquée depuis deux ans : la fraicheur prometteuse et paradisiaque d'un haut verre de pastis.
Les poutres en béton sablé très design et très grises : le ciel, les étoiles, et quelques branches qui protègent du soleil pendant la sieste.
Les touches grasses et claquantes d'un clavier d'ordinateur : une rame de kayak qui s'enfonce profondément dans la mer, me propulsant lentement mais surement vers la savoureuse quiétude d'une île déserte.
Le bâtiment métallique qu'on détruit en face de mon bureau pour construire la nouvelle prison : le si haut phare de l'île vierge, qui envoie ses éclats toutes les quatorze secondes pour prévenir les marins que la côte est là, avec ses rochers, ses dunes, et moi qui m'endort dans la maison de mon enfance.